La fièvre du futurisme saisit l'Italie

Du nord au sud et d'est en ouest, Francesca Barbi parcourt l'Italie d'une inauguration à une autre. La petite fille de Filippo Tommaso Marinetti est sur tous les fronts. Un jour à Milan pour l'inauguration de l'exposition "Art + vitesse + action" au Palazzo Reale (jusqu'au 7 juin), un autre à Mart di Rovereto (Trentin) pour "Futurisme 100 : la confrontation des avant-gardes" (jusqu'au 7 juin). Elle sera le 20 juin à Rome pour "La nuit du futurisme" organisée pour le centenaire de la parution du Manifeste de Marinetti, le 20 février 1909, dans le quotidien Le Figaro.
Le futurisme? Francesca Barbi est née dedans, pourrait-on dire. Petite fille de Filippo Tommaso Marinetti (Alexandrie 1876-Bellagio 1944), elle a vu sa mère, Lucia, sa tante et ses oncles passer une partie de leur existence à faire vivre la mémoire de leur père. Elle a pris la relève, naturellement. Elle le reconnaît: "Cela n'a pas toujours été facile. Pendant longtemps, on n'a pas pu parler de mon grand-père d'une façon sereine".

Longtemps, Marinetti ne fut pas prophète en son pays. La bourgeoisie italienne le trouvait trop provocateur. Son adhésion au fascisme, dès 1919, a également pesé lourd dans la répugnance d'une partie de l'intelligentsia à lui donner une place de premier plan dans l'histoire de l'art et des idées du XXe siècle. Il n'y pas de musée du futurisme en Italie, pas plus que de musée Marinetti. L'essentiel des archives du mouvement est à l'université Yale, aux Etats-Unis.

MUSÉE, CONCERT, THÉÂTRE

"Il a fallu attendre les années 1960, et les travaux de l'historien Luciano de Maria, pour qu'en Italie se manifeste un intérêt pour cette pensée globale qui vise à faire exploser aussi bien les codes de la peinture, de la littérature, du cinéma, de la mode ou de la cuisine". Cet intérêt s'est ensuite maintenu, mais d'une manière sporadique, marquée en 1986 à Venise, par l'exposition "Futurisme/futurismes", dont le catalogue est considéré aujourd'hui encore comme un des meilleurs instruments de connaissance du mouvement.

La fièvre du futurisme saisit à présent l'Italie. Une centaine de manifestations sont organisées dans toute la Péninsule, et au moins une trentaine à Rome, qui démarreront précisément le 20 février.

Outre l'inauguration de l'exposition "Futurisme avant-garde/avant-gardes", coorganisée par le Centre Pompidou de Paris et la Tate Modern de Londres (jusqu'au 16 mai), on pourra assister à un concert futuriste de Brian Eno ou à la représentation d'une pièce de théâtre futuriste, avec acteur futuriste, dans la galerie Colonna : Femme-vitesse-danger.

Paradoxe: le futurisme s'impose, alors que le futur n'a jamais paru aussi menaçant : "En Italie, explique Francesca Barbi, nous avons probablement besoin de cette énergie. Les artistes ont été trop silencieux, ils doivent reprendre la parole. Cet esprit de provocation, d'ouverture, d'urgence peut donner un peu d'espérance et un peu de force".

Son espoir ? Que les feux du futurisme ne s'éteignent pas avec les lampions des festivités. "L'opportunité du centenaire crée un effet de mode, redoute Francesca Barbi. Comme toutes les modes, elle est frivole. Si cet emballement ne devait servir qu'à institutionnaliser la personne de Marinetti, cela voudrait dire que son message n'est toujours pas compris".

Philippe Ridet

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