Man Ray surexposé à Paris

Le surréalisme est à la mode depuis 2002, année où furent présentées trois grandes expositions sur ce mouvement artistique, à Londres, à Paris et à Düsseldorf. Depuis, la curiosité ne se dément pas. Dali, Tanguy, Miro, Magritte, Toyen, Dominguez, Ernst et les relations de Picasso et du surréalisme ont fait l'objet de rétrospectives partout en Europe.

Nouvel afflux aujourd'hui avec un nouveau héros, Man Ray. A la Tate Modern de Londres, l'artiste américain, à qui on doit photos, dessins, sculptures, peintures, retrouve Duchamp et Picabia, ses plus chers amis, le temps d'une exposition exhaustive et un rien solennelle, qui a lieu jusqu'au 26 mai (Le Monde du 28 février).

A Paris, Man Ray séjourne en trois lieux. Au Passage de Retz, il fait équipe, comme à Londres, avec Marcel et Francis. L'auteur de la manifestation est Jean-Hubert Martin, qui a eu la belle idée de reformer le trio – avec des moyens plus légers et dans un format plus réduit. Il a réussi : en obtenant des prêts qui, sans se mesurer à ceux de la Tate Modern, permettent de revoir quelques belles oeuvres et en jouant avec l'esprit du dadaïsme.

Dada se moque de l'authenticité, de l'objet d'art précieux, des signatures ? Lui aussi. Un témoignage atteste que Picabia avait suspendu un vélo au plafond de son salon, il reprend l'idée en poussant le scrupule jusqu'à employer une bicyclette ancienne. Puisque Duchamp a produit lui-même des répliques de ses premières oeuvres, il profite de l'autorisation et, avec l'aide de l'artiste brésilien Julio Villani, reconstitue ready made et assemblages.

Photos, dessins et bricolages absurdes de Man Ray leur font écho, selon un accrochage discrètement explicatif qui apprend en amusant.Où on ne s'amuse pas, c'est à la Pinacothèque de Paris. Abusivement nommée " L'Atelier Man Ray ", l'exposition est si peu complète qu'elle ne présente à peu près rien des années dadaïstes.

Son point fort, si l'on peut dire, ce sont les années américaines après 1940, pas les plus captivantes. Quant à Noire et blanche, la photographie la plus célèbre de Man Ray – affiche et couverture du catalogue –, elle est présentée sous forme d'impression à jet d'encre toute récente.

"Une rétrospective inédite des oeuvres de Man Ray", annonce la préface. Ce n'est pas une rétrospective, pas même une esquisse, et l'inédit, dans l'affaire, c'est la désinvolture avec laquelle Man Ray est traité.

Celle-ci a suscité la colère de Marcel Fleiss, galeriste spécialiste de Dada et du surréalisme. En peu de temps, il a monté une contre-exposition, qui est aussi riche en raretés que celles de la Pinacothèque en est pauvre. Des toiles et des dessins peu ou jamais vus, des tirages originaux de photographies et des documents à faire pâlir les bibliophiles accompagnent le Catalogue raisonné, de Man Ray – 140 de ses travaux de 1908 à 1919 photographiés, dessinés et annotés par lui. Il faut fureter dans l'exposition, lire ce que Man Ray écrit au bas de ses dessins, relire les préfaces burlesques de ses premières expositions parisiennes.

Pour finir royalement, il faut gagner la galerie Daniel Malingue, avenue Matignon. Cette dernière présente une exposition somptueuse nommée " Grands surréalistes " : une anthologie de 16 toiles, souvent de grandes dimensions, de 16 artistes, tous les " grands " et quelques-uns moins connus et tout aussi intéressants.

Parmi les premiers, Dali, Ernst, Masson, Tanguy et Miro représenté par le somptueux Paysage au coq de la collection Beyeler. Parmi les seconds, Wolfgang Paalen avec le douloureux Ciel de pieuvre, qui pourrait bien être son chef-d'oeuvre, Jacques Hérold et son nocturne érotique Crystal amoureux. Et Dorothea Tanning : on peut rester longtemps devant sa Chambre d'amis sans percer les mystères de cette image énigmatique.



"Surexposition : Duchamp, Man Ray, Picabia", Passage de Retz, 9, rue Charlot, Paris-3e. Du mardi au dimanche de 10 heures à 19 heures. Jusqu'au 15 juin.

"L'atelier Man Ray", Pinacothèque de Paris, 28, place de la Madeleine, Paris-8e.

Tél. : 01-42-68-02-01. Tous les jours de 10 h 30 à 18 heures. 7 ¤. Jusqu'au 1er juin.

"Man Ray", Galerie 1900-2000, 8, rue Bonaparte, Paris-6e. Tél. : 01-43-25-84-20.

Du mardi au samedi de 10 heures à 12 h 30 et de 14 heures à 19 heures ; lundi, de 14 heures à 18 heures, Jusqu'au 31 mai.

"Grands surréalistes", Galerie Daniel Malingue, 26, avenue Matignon, Paris-8e. Tél. : 01-42-66-60-33. Du mardi au vendredi de 10 h 30 à 12 h 30 et de 14 h 30 à 18 h 30 ; lundi et samedi de 10 h 30 à 18 h 30. Jusqu'au 31 mai.

Philippe Dagen

Comentarios

Entradas populares